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Mix et interview du légendaire Rizan Sa’ïd W/ Tushen Raï et La Distillerie
Le légendaire producteur et multi-instrumentaliste syrien, Rizan Sa’ïd a accepté de répondre aux question de nos amis de La Distillerie dans un entretien unique en son genre.
En association avec l’émission ‘Ride the Rhythm’ de Tushen Raï et Guillaume Kläaar, ils ont pu enregistrer la toute première interview de ce résident de Damas. Nous nous pencherons sur la fête syrienne, qui coule dans les veines de sa population, transmise de génération en génération à travers une musique, une danse, la Dabké. Une danse énergique, frénétique et singulière que Rizan Sa’ïd nous transmet dans un mix d’une heure sur le 89.8.
Peux-tu nous parler de la Dabké ?
La Dabké est une danse de fête : un anniversaire, des fiançailles, un mariage, une célébration de victoire. La musique Dabké c’est celle qui accompagne cette danse. Chaque région a sa Dabké. La Dabké Kurde est très populaire. Elle est dansée par tout le monde, femmes et hommes, tous âges confondus. Le but est de créer une chorégraphie générique qui ne cesse de s’agrandir. Elle peut être dansée à deux et se multiplier à l’infini. l’équivalent en Europe est le Syrtaki en Grèce.
Comment as-tu découvert le synthétiseur ?
J’ai commencé la musique tout petit, à travers le Bouzouki et le Ney. Le Bouzouki on peut en trouver partout chez nous. Il y en a toujours un qui traîne dans les écoles ou chez les gens. J’en jouais souvent et j’inventais des mélodies. C’est ce que j’ai toujours aimé. Le « Ney » est une flûte qui ne se joue qu’en groupe, jamais pour les musiques de fête. J’ai appris à en jouer mais ce n’était pas mon instrument préféré. Ce que j’aimais, c’était jouer et composer avec un instrument populaire qui rend les gens heureux. A l’époque, je n’étais pas encore un professionnel de la musique. Puis, le synthétiseur est arrivé dans les années 90. J’ai commencé à en jouer en 1996, quand j’étais ado, poussé par mes proches et amis. Comme je savais jouer du Bouzouki et du Ney, j’ai su utiliser le synthé et le faire sonner comme ces instruments. Je suis devenu pro au même moment où les synthés évoluaient de plus en plus, proposant de nouveaux programmes et de nouvelles cartes son. A chaque fois, les sons que je joue évoluent avec les nouveaux synthétiseurs.
Comment t’est venue l’envie d’apporter cet instrument aux musiques traditionnelles arabes ?
Dans ma région, j’étais l’interprète le plus jeune. J’étais tout petit à l’époque et je jouais déjà pour mettre l’ambiance et les gens me poussaient à le faire. Je jouais dans les fêtes, les « dabkés ». C’est comme ça que Omar Souleyman m’a remarqué. Lui aussi était un as des fêtes. Il chantait tous les jours ! Ensemble, les fêtes duraient plus longtemps car je pouvais jouer tous les instruments populaires avec mon synthé et accompagner Omar. Puis, on a commencé à composer. Le bouche à oreille a fait son oeuvre et tout le monde voulait faire comme nous. On s’est créé un studio. Je rencontrais alors pas mal d’artistes qui voulaient faire pareil et je les aidais à réaliser leur projet et leur transmettais mon savoir-faire.
Au-delà de ton travail de musicien et compositeur, dès les années 90, tu as beaucoup participé à l’émergence et à la diffusion d’une scène musicale moderne en Syrie. Qu’est-ce qui t’a poussé à t’engager ainsi en tant que producteur ?
Il y a 10 ans, la télé syrienne a commencé à diffuser des clips de Dabké et de folklore syrien et le bouche à oreille s’est répandu grâce à ça. Un succès fou. Tout le monde voulait travailler avec nous. On a aidé des artistes de la région à devenir célèbres et c’est aussi ce qui m’a fait connaître. Ensuite j’ai été beaucoup sollicité à l’extérieur des pays arabes pour réaliser des B.O. de séries télés, de films, de pubs, en plus de mes projets avec différents artistes. Mon projet avec Omar Souleyman m’a beaucoup aidé à gagner en notoriété.
Comment organisais-tu l’enregistrement, la production et la distribution de ces musiques ?
En ce moment avec la guerre, la Syrie est dans une période de gel. Il n’y a rien de nouveau qui se fait. L’industrie n’a pas évolué, on fait toujours le même style de musique. Mais quand même, je pense qu’une vague nouvelle arrive avec un nouveau projet auquel je participe. Le groupe Parisien de rock indé « Teleferik » qui mélange la langue arabe et le rock, a inventé le Dabké Rock. Ils m’ont appelé pour que je les aide a composer et créer ce nouveau genre musical avec eux. L’album concept devrait sortir en 2017. La chanteuse est d’origine libanaise. Paris est la capitale la plus mégalopole au monde, c’est ça la France et j’ai envie de te dire que l’innovation va naître ici. L’Industrie de la musique arabe, égyptienne, syrienne, libanaise etc. travaille beaucoup dans les studios français. Beaucoup de mixages et de masterings se font ici en plus du Caire et de Beyrouth. Je crois d’ailleurs que dans les années 90, le Raï, une musique populaire devenue très appréciée dans les pays d’Afrique du Nord est née aussi à Paris. Aujourd’hui, avec les événements actuels, la musique du Moyen-Orient se crée de plus en plus hors des frontières de guerre.
A l’image du succès de tes productions avec Omar Souleyman sur le vieux continent, comment expliques-tu la « nouvelle vague » orientaliste européenne ?
Le succès d’Omar Souleyman vient aussi du fait que sa musique n’est pas totalement « arabe ». Il chante en arabe mais la musique en vérité n’est pas arabe à 100%. Elle vient de la région du Nord Est de la Syrie, à la frontière de la Turquie, et elle est influencée par les Kurdes et d’autres minorités. « Warni Warni », par exemple, est une chanson arabe mais l’expression «Warni Warni » est kurde et veut dire : « viens vers moi ». C’est une musique différente de la musique arabe car elle est rapide et proche de la rythmique electro des clubs occidentaux. J’ai compris ce style et cette impulsion donc j’en rajoute pas mal en live. Omar Souleyman aussi est un personnage, son image plaît aux occidentaux. C’est nouveaux pour eux.
La Dabké est intimement liée à la danse et à la fête. Dans une Syrie endommagée par la guerre depuis plus de 5 ans, la fête s’exprime-elle encore ?
La vie continue en Syrie. Bien sûr qu’il y’a toujours des mariages, il y a des enfants qui ont leur diplôme, des anniversaires. On m’appelle pour que je fasse la fête mais la différence c’est que personne n’a vraiment la tête à ça. Je n’arrive plus à avoir le cœur à la fête mais je joue toujours. J’ai la nostalgie de l’époque où les fêtes étaient belles et joyeuses, tout ça est fini. De plus, avant, tout un village ou une ville pouvait se retrouver à faire la fête. Aujourd’hui, les fêtes regroupent maximum une centaine de personnes.
Penses-tu que cette musique, que partagent les différentes communautés qui constituent ton pays, a un rôle à jouer dans la reconstruction et la pacification de l’État Syrien ?
La musique dans nos radios et chaînes de télé Syriennes, et dans tous les pays arabes ou il y a la guerre, apaisent nos soucis et nos maux. Il y a des chants patriotiques aussi qui unissent les peuples, qui les aident à garder espoir. La musique a un rôle dans la paix. Elle fait subsister des beaux moments au-delà de la difficulté de la vie et elle se mélange entre les peuples. Elle ne provoque pas la guerre entre les peuples, elle les fait se rencontrer, se mélanger. C’est un rôle important dans la paix.
Un grand merci au webzine la Distillerie, dont vous pourrez retrouver tous les articles ici : http://ladistilleriemusic.com/
Podcast by Tushen Raï :
Bonus traklist
Gregory Porter – Liquid Spirits (‘Clap your hands’ El Barrio Edit)
Mad Man Jaga – Hankuri (ATW Rework)
Waffles #4 – Gaufre
Hysteric – Amoureuse
Romare – Je t’aime
Uffe – No!
Uptown Funk Empire – You’ve Got To Have Freedom (Patchworks Remix)
Philou Louzolo -Afrofuturism Dance
MFÖ – Adimiz Miskindir Bizim (Mate Edit)
Maryam_Saleh & Zeid_Hamdan – Watan El Akk (مريم_صالح_وزيد_حمدان_ _وطن_العك)
King Ghazi presents Abu Sayah – Shamaleh [Gilb-R Mix]
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octobre 24th, 2016
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